La vidéosurveillance algorithmique vient de subir un revers judiciaire majeur. Le tribunal administratif de Grenoble a reconnu l’illégalité du logiciel Briefcam, utilisé par la ville de Moirans (Isère), et a ordonné l’arrêt immédiat de son utilisation. Cette décision marque une victoire significative dans la lutte contre la surveillance de masse et conforte le droit fondamental au respect de la vie privée.
A- Un logiciel intrusif et une installation opaque
Briefcam est un logiciel de vidéosurveillance algorithmique permettant l’application de filtres sur les images pour suivre ou identifier des personnes selon leur apparence, leurs vêtements ou encore leur visage via une option de reconnaissance faciale. Installé en toute discrétion dans de nombreuses communes françaises, ce dispositif soulève des inquiétudes majeures en matière de libertés publiques.
Depuis plusieurs années, des organisations dénoncent son utilisation, pointant un outil inefficace, mais surtout dangereux pour les libertés fondamentales. Selon elles, la vidéosurveillance algorithmique ne sert pas tant à lutter contre la criminalité qu’à contrôler la population dans l’espace public.
B- Une bataille juridique aux implications nationales
Ce jugement revêt une importance capitale. Il s’oppose à la position récemment adoptée par la CNIL, qui, tout en critiquant certaines utilisations de Briefcam par la police et la gendarmerie (depuis 2015 et 2017 sans déclaration préalable), avait paradoxalement validé son usage par les communes sous certaines conditions.
Or, la décision du tribunal administratif de Grenoble contredit frontalement cette interprétation. Les juges ont estimé que l’utilisation de Briefcam constituait un traitement disproportionné de données personnelles, non prévu par la loi, y compris lorsqu’il est utilisé pour répondre à des réquisitions judiciaires.
C- Quelles conséquences pour les autres communes ?
Cette victoire crée un précédent juridique qui peut remettre en cause l’utilisation de la vidéosurveillance algorithmique dans d’autres villes comme Saint-Denis, Reims ou Brest, où de tels dispositifs sont déjà déployés. Les citoyens de ces communes peuvent désormais exiger l’arrêt immédiat de ces pratiques.
Plus largement, cette décision met en lumière le laisser-faire des pouvoirs publics et leur complaisance envers l’extension des outils de surveillance de masse. La CNIL elle-même est désormais dans une position délicate et pourrait être contrainte de revoir sa position et de sanctionner les municipalités persistantes.
D- Vers une prise de conscience nécessaire
Ce jugement rappelle que la technopolice et ses ambitions de surveillance accrue n’ont pas leur place dans une société démocratique. L’argument sécuritaire ne saurait justifier une surveillance généralisée et incontrôlée des citoyens.
La bataille contre la vidéosurveillance algorithmique est loin d’être terminée, mais cette décision marque un tournant décisif. Désormais, chaque commune équipée de tels logiciels devra rendre des comptes et, sans base légale solide, ces dispositifs devront être démantelés.
Affaire à suivre de près.