Filtrage des contenus publicitaires sur le net et responsabilité des plateformes en ligne

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Les faits de l’affaire

 

Le groupe Lucien Barrière, propriétaire de 32 casinos à travers le monde, a constaté, par le biais d’un commissaire de justice, la diffusion sur les plateformes Facebook, Instagram, et Messenger de près de 2 400 publicités reproduisant sans autorisation ses marques. Ces publicités étaient diffusées pour promouvoir le lancement d’une application de jeux de casino en ligne promettant des gains d’argent, sans l’accord de Barrière, et émanaient de centaines de profils.

Malgré les signalements de ces publicités illicites par le groupe Barrière, Meta Platforms Ireland (opérant les plateformes concernées) a affirmé avoir rendu ces publicités inaccessibles, mais quinze annonces demeuraient toujours actives. Face à cette persistance, le 11 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Paris a ordonné à Meta de mettre en œuvre des mesures de filtrage destinées à prévenir la diffusion de ces publicités illicites, conformément aux critères définis dans une ordonnance sur requête. Cette ordonnance imposait également à Meta de conserver les données relatives aux publicités litigieuses et les informations sur les annonceurs concernés.

 

La procédure en référé-rétractation et la confirmation des obligations de Meta

 

Meta a rapidement réagi en assignant le groupe Barrière en référé-rétractation le 20 janvier 2024. Toutefois, par une ordonnance de référé-rétractation rendue le 24 avril 2024, le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande de rétractation de Meta, réitérant l’obligation pour celle-ci de mettre en œuvre des mesures de filtrage visant à empêcher toute publicité portant atteinte aux droits des marques du groupe Lucien Barrière.

Estimant que Meta n’avait que partiellement respecté cette ordonnance, le groupe Barrière a sollicité une nouvelle intervention du tribunal afin qu’une astreinte soit imposée à Meta.

 

Le jugement du 10 septembre 2024 et l’imposition de l’astreinte

 

Le 10 septembre 2024, le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement imposant à Meta une obligation sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard pour ne pas avoir mis en place des mesures efficaces permettant de prévenir la diffusion des publicités illicites. Meta a plaidé l’impossibilité technique de mettre en œuvre des moyens de prévention efficaces, mais le tribunal a rejeté cet argument, estimant que Meta n’avait pas prouvé cette impossibilité de manière satisfaisante.

 

Selon le tribunal, les mesures prises par Meta étaient insuffisantes, car les filtres utilisés n’opéraient qu’après la diffusion des publicités et ne s’avéraient pas efficaces, comme en témoigne le nombre de publicités toujours actives. Le tribunal a rappelé qu’il s’agit d’une obligation de moyens et non de résultat. En effet, Meta n’est pas tenue de mettre en place un outil infaillible, mais elle doit démontrer qu’elle utilise des moyens efficaces tendant vers le but recherché.

 

L’argument de la surveillance généralisée écarté

 

Meta a également tenté de faire valoir que l’imposition d’une telle obligation équivaudrait à instaurer une surveillance généralisée des contenus, ce qui n’est pas conforme au droit européen, en particulier à la Directive 2000/31/CE sur le commerce électronique qui interdit d’imposer aux intermédiaires techniques une obligation générale de surveillance. Cependant, le tribunal a balayé cet argument, considérant que Meta procède déjà à une vérification automatisée des publicités 24 heures avant leur diffusion. Cela démontre la faisabilité technique de la mise en place d’outils de filtrage préventifs plus efficaces.

 

Conclusion : une avancée majeure dans la lutte contre les publicités illicites

 

Le jugement du 10 septembre 2024 marque un tournant dans l’exigence de responsabilité des plateformes numériques en matière de protection des droits des marques et de prévention de la diffusion de publicités illicites. Il rappelle que les réseaux sociaux doivent mettre en place des moyens efficaces pour empêcher la diffusion de publicités illicites, et ce, même si ces moyens ne sont pas infaillibles. Ce jugement s’inscrit dans la lignée des décisions visant à faire respecter les droits de propriété intellectuelle à l’ère du numérique.

En outre, l’astreinte de 10 000 euros par jour de retard représente une mesure dissuasive et souligne la nécessité pour les plateformes de mettre en œuvre des mesures de filtrage efficaces afin de protéger les droits des titulaires de marques. Cette affaire illustre la complexité croissante de la régulation des contenus publicitaires en ligne et les enjeux juridiques auxquels sont confrontées les grandes entreprises technologiques dans leur rôle d’intermédiaires.

Le jugement pourrait constituer un précédent important en matière de lutte contre les infractions aux droits de propriété intellectuelle sur les réseaux sociaux et inciter d’autres titulaires de marques à faire valoir leurs droits en cas de publicité illicite.

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