En novembre dernier, le Président du CSPLA confiait à Jean Martin, avocat et Pauline Hot, rapporteur au Conseil d’Etat, la mission d’étudier le phénomène des Jetons Non Fongibles (JNF en français, NFT en anglais). En juillet 2022, le rapport était publié.
Nécessaire, ce rapport apporte quelques précisions sur les contours de ce phénomène, finalement récent, que sont les NFT.
Schématiquement un NFT est un jeton numérique qui garantit le lien entre le titulaire du NFT et un fichier numérique de toute nature. Les NFT ne peuvent être émis que par des smarts contracts ils sont donc indissociables des Blockchains.
La première étape dans la compréhension des NFT est celle de la qualification juridique qui permet de rattacher le phénomène à une notion juridique existante et connue.
Le rapport du CSPLA commence par exclure différentes notions. Le NFT n’est donc ni un œuvre d’art, il ne remplit pas la condition d’originalité, ni le support d’une œuvre art, ce n’est qu’un lien numérique, et ni un certificat d’authenticité puisque la Blockchain exclu de facto l’intervention d’un tiers certificateur.
Sur ce point le CSPLA modère son propos, dans certains cas le NFT pourrait être rattaché à l’une de ces trois notions.
Le NFT pourrait, plus naturellement, être rattaché à la notion de contrat en ce qu’ils sont directement issus des smart contracts. Après avoir procédé à une étude technique des smart contracts générateurs des NFT, il en ressort une incompatibilité entre les conditions légales du contrat et les smart contracts. Tout au plus un smart contract est accessoire au contrat principal, il en constituerait une modalité d’exécution.
La qualification de DRM, de mesures techniques de protection a également été envisagé. Une fois encore, les conditions légales ne sont pas remplies. Le NFT ne permet pas d’empêcher la reproduction ou la représentation de l’œuvre enfermée dans le NFT.
Finalement, la notion qui semble correspondre le plus à un NFT est celle de titre de droit. Un NFT permet de garantir le lien entre un fichier numérique et son titulaire. En cela, il peut être qualifié de titre.
Cet objet numérique mal identifié doit être appréhendé en ce qu’il soulève différentes difficultés.
D’abord, bien souvent, pour ne pas dire toujours, le fichier numérique objet du NFT est une œuvre sur laquelle existe des droits de propriété intellectuelle. Récemment de nombreux litiges ont émergés quant à l’atteinte portée par des NFT à différents droits de propriété intellectuelle. Dans l’affaire « MetaBirkin » par exemple un individu a généré des NFT sur les fameux sacs Birkin d’Hermès, portant ainsi atteinte tout à la fois à un droit d’auteur, un droit de marque et un droit de dessins et modèles. Le rapport du CSPLA a pour ambition de mettre en lumière cet aspect attentatoire du NFT et étudie à ce titre les sanctions qui pourraient être appliquées, parmi lesquelles, le burn du NFT qui reviendrait à le détruire et donc à mettre un terme aux actes de contrefaçon.
En tant qu’actif numérique, le NFT est un bien échangé sur des marchés, il est donc générateur de flux financier. Deux enjeux sont donc soulevés, celui de la protection des consommateurs en tant que bien et celui de l’appréhension fiscale des flux financiers sous-jacent.
Enfin, optimiste, le rapport dresse une liste de domaines culturels dans lesquels le NFT constituerait un outil stratégique. Ainsi par exemple, le NFT trouverait application en matière de patrimoine, de musique, de cinéma, d’audiovisuel ou encore dans le domaine littéraire.
Ainsi, le rapport du CSPLA constitue une base solide de réflexion autour de l’appréhension juridique des NFT. Il ne serait pas étonnant de voir naître dans un futur proche quelques normes se saisissant du sujet.
Par Antoine Chéron et Amaryge de Maisonneuve