Le 27 juin dernier, la France est frappée par un drame national. Nahel, un adolescent de 17 ans, a perdu la vie suite au coup de feu d’un policier, à Nanterre dans les Hauts-de-Seine.
Le policier a été placé en détention provisoire le 29 juin 2023 pour homicide volontaire.
Suite aux événements, deux cagnottes en ligne ont été créées. Une première, destinée à la famille de l’adolescent, et une seconde, destinée à la famille du policier ayant ouvert le feu.
Cependant, la création de cette dernière cagnotte soulève de nombreux débats ayant recueillie un montant deux fois plus élevé que celle en faveur des parents de l’adolescent défunt. Aussi, elle pose de nombreux problèmes éthiques, moraux, mais aussi juridiques.
Juridiquement, les cagnottes sont légales sous certaines conditions. Aussi, les conditions générales d’utilisation du site sur lequel a été créée la cagnotte encadrent les cagnottes dudit site de manière juridique.
Les conditions générales d’utilisation du site www.gofundme.com, mentionne dans ses conditions générales de vente :
« Nonobstant ce qui précède, vous acceptez et déclarez, garantissez et vous engagez à :
- ne pas utiliser les Services pour lever des fonds, créer ou contribuer à une Collecte de fonds avec comme objectif implicite ou explicite de promouvoir ou d’impliquer :[…]
- Tout Contenu Utilisateur qui reflète, incite ou promeut un comportement jugé, à notre entière discrétion, comme étant un abus de pouvoir ou une incitation au terrorisme, à la haine, à la violence, au harcèlement, à l’intimidation, à la discrimination, au financement du terrorisme ou à l’intolérance de quelque nature que ce soit, ou qui reflète un abus de pouvoir lié liée à la race, à l’origine ethnique, à l’origine nationale, à l’affiliation religieuse, à l’orientation sexuelle, au sexe, au genre, à l’identité de genre, à l’expression de genre, aux handicaps ou aux maladies […] ».
Ainsi, toute cagnotte contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs peut être valablement annulée, au même titre que tout autre contrat contraire à ces principes.
En 2019, une cagnotte en ligne avait déjà ouvert le débat. En effet, une cagnotte avait été créée en soutien de Monsieur Christophe DETTINGER, ex-boxeur, sur le site www.leetchi.com, qui a été filmé durant les manifestations des gilets jaunes, frappant deux officiers de police. La cagnotte avait, atteint la somme de 145 000 euros en deux jours.
Très controversée, la légalité de ladite cagnotte fut contestée devant le Tribunal Judiciaire de Paris, qui a rendu un jugement n° 19/03587, le 6 janvier 2021.
Ce dernier a annulé la cagnotte de Monsieur DETTINGER, et a redistribué l’argent donné par donateurs. Le tribunal a notamment estimé que « la collecte de fonds dans cet objectif heurte suffisamment la moralité et l’ordre public pour être considéré comme un but illicite ».
Le jugement admet également le soutient à la famille de Monsieur DETTINGER, à l’aide de cette cagnotte et non pas à ses frais de justice, sans pour autant changer d’avis et verser la somme récoltée à sa famille.
Aussi, l’article 40 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, interdit « d’ouvrir ou d’annoncer publiquement des souscriptions ayant pour objet d’indemniser des amendes, frais et dommages-intérêts prononcés par des condamnations judiciaires, des amendes forfaitaires, des amendes de composition pénale ». Cette infraction pénale est inapplicable « dès lors qu’il ne s’agissait pas d’organiser une souscription pour payer des condamnations déjà intervenues ».
Dans le cas du policier de Nanterre, aucune condamnation n’a pour le moment été prononcée, l’article 40 de la loi de 1881, n’aura, par conséquent, pas voie à s’appliquer.
Pourtant, et au vu de la situation actuelle, il paraît peu probable que la cagnotte soit considérée comme étant en faveur de l’ordre public et des bonnes mœurs.
Au regard du jugement prononcée par Tribunal Judicaire de Paris en date du 6 janvier 2021, des CGU du site GoFundMe et de la situation actuelle, la cagnotte, s’élevant aujourd’hui au montant de 1 085 000 euros, pourrait être annulée, malgré son intitulé « Soutien pour la famille du policier de Nanterre » visant la famille du policier.