Le projet de loi SREN (« Sécuriser et Réguler l’Espace Numérique) a récemment fait l’objet d’une attention accrue, suscitant à la fois espoirs et préoccupations. Initié dans le but de réguler les plateformes en ligne, ce texte a été au centre de nombreux débats, révélant des tensions tant au niveau national qu’européen.
La version actuelle du projet de loi, fruit de compromis parlementaires, s’avère être le résultat d’une série de retouches superficielles, décevant ceux qui espéraient des changements plus substantiels.
Les mesures contestées
Le projet de loi SREN en France a été retardé, raison d’un désaccord avec la Commission européenne. Un des points de discorde réside dans la vérification de l’âge des utilisateurs pour accéder aux contenus pornographiques en ligne.
La France souhaitait imposer des règles spécifiques, en exigeant que les plateformes vérifient l’âge des utilisateurs accédant à du contenu pornographique. Cette mesure, bien que visant à protéger les mineurs, a été critiquée pour sa vision archaïque d’Internet et son écart par rapport aux normes européennes.
En effet, la Commission européenne a exprimé ses réserves quant à cette disposition, affirmant qu’elle contrevient au droit de l’Union européenne.
La commission mixte paritaire a trouvé une parade en restreignant cette obligation de vérification d’âge aux seules plateformes établies en dehors de l’Union européenne, contournant ainsi les exigences européennes au détriment de l’harmonisation attendue.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit une extension de la censure automatisée, exigeant notamment le retrait des contenus d’abus sexuels sur enfants et de représentations de torture et de barbarie dans un délai de 24 heures. Ce mécanisme avait d’ailleurs été censuré par le Conseil constitutionnel saisi en 2020 à propos de la loi Avia.
Cette automatisation de la censure soulève des inquiétudes quant à une éventuelle restriction de la liberté d’expression en ligne et à une mise en œuvre déficiente, comme l’ont souligné La Quadrature du Net et plusieurs organisations de défense des droits.
Enfin, la version finale du projet de loi comporte une nouvelle infraction, le délit d’outrage en ligne, réprimant la diffusion de contenus injurieux, discriminatoires ou harcelants en ligne. Autrement dit, ce délit vise à sanctionner les abus d’expression en ligne par une peine de 3750 euros d’amende et d’un an d’emprisonnement.
Rédigée dans tes termes larges, « situation intimidante, hostile ou offensante », cette nouvelle mesure est également critiquée. En dérogeant à la loi de 1881 sur la liberté d’expression, le délit d’outrage en ligne révèle des inquiétudes quant à une possible érosion de cette liberté.
Les initiatives de protection et de régulation
Pourtant, le projet de loi comporte également des mesures afin de renforcer la sécurité des enfants face à la pornographie en ligne ainsi que la cybersécurité. Il envisage notamment l’instauration d’un filtre anti-arnaque pour protéger le public contre les tentatives frauduleuses d’accès à leurs informations personnelles ou bancaires.
Le loi SREN renforce en outre les sanctions pour les infractions telles que la haine en ligne, le cyberharcèlement ou encore la pédopornographie et permettra la suspension des comptes sur les réseaux sociaux en cas de récidive.
Enfin, ce texte prévoit des mesures de sensibilisations relatives à la désinformation et la diffusion de « deepfakes ».
En somme, le projet de loi SREN reflète une tentative complexe de réguler l’espace numérique, confrontée à des enjeux multiples et parfois contradictoires. Si certains louent ses ambitions de protection et de régulation, d’autres pointent du doigt ses potentielles atteintes aux libertés individuelles et son manque d’harmonisation avec le droit européen.
L’avenir dira si ce projet de loi parviendra à concilier efficacement ces différentes préoccupations et à offrir un cadre réglementaire équilibré pour l’espace numérique français.