Quelques jours après sa sortie, le 14 avril 2023, la nouvelle chanson en duo de The Weeknd et Drake cumule déjà plus de 15 millions d’écoutes. Les deux artistes ne se sont pourtant jamais réunis pour enregistrer cette chanson. C’est en réalité un utilisateur sous le pseudonyme Ghostwriter977 qui est à l’origine du tube grâce à l’intelligence artificielle qui a reproduit la voix des deux artistes. Universal Music Group, la maison de disques des deux chanteurs a rapidement demandé la suppression du morceau pour violation du droit d‘auteur. Cela soulève toutefois la question de l’impact des IA sur la musique et la propriété intellectuelle des artistes.
La place des IA dans l’industrie musicale
Comme dans les autres secteurs de métiers, l’IA est surtout utilisée pour maximiser la productivité et automatiser certaines tâches comme l’identification de mélodies et d’accords ou la catégorisation des sons. Grâce au deep learning, les IA peuvent apprendre en traitant les musiques existantes pour ensuite en composer des nouvelles. Elles sont ainsi capables tant de produire des sons dans des styles musicaux bien définis que de créer de nouveaux genres. Elles sont notamment utilisées pour créer la musique de fond de jeux vidéo ou de vidéos.
Les artistes utilisent déjà, aujourd’hui des machines et des logiciels pour les aider à composer leurs morceaux. L’arrivée de l’intelligence artificielle va toutefois plus loin en leur permettant de générer directement de la musique de manière autonome. Dès lors, se pose la question, qui peut être considéré comme l’auteur de la musique ? : le logiciel d’IA peut-il bénéficier du statut d’auteur et de la protection de sa propriété intellectuelle ? Dès lors, à qui reverser les droits d’auteur ? Une intelligence artificielle n’a pas de compte en banque ou même de statut bien défini. Au contraire, si c’est une personne qui dépose l’œuvre produite par IA se posera la question de la réelle paternité de la chanson et de sa légitimité. De même, reconnaître comme auteur le concepteur du logiciel de l’IA alors qu’il ne cadre pas l’IA pour l’œuvre en question peut être considéré comme abusif.
Les droits d’auteur actuels et les IA
Suivant le droit moral de l’auteur d’une œuvre musicale, l’artiste jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Il possède donc une forme de propriété qui lui donne des droits exclusifs pour protéger sa création et faire cesser toute infraction de droit.
Or, ce droit est logiquement centré autour de la création par un humain pour valoriser son travail. La question se pose donc de la nécessite ou non de protéger l’œuvre d’une IA et du véritable auteur de la chanson. Des différends internationaux apparaissent déjà face à cette problématique. En effet, alors que l’Union Européenne a accepté de protéger les œuvres générées par les IA du droit d’auteur à la condition qu’elles présentent une originalité suffisante, les États-Unis ont refusé. Une différence entre les droits internationaux laisse prévoir de la confusion et des litiges pour les artistes.
Une réforme du droit d’auteur pour intégrer les IA ?
Adapter le droit d’auteur pour répondre aux nouveaux enjeux des IA pourrait passer par l’ajout d’une catégorie de protection spéciale dédiée au créateur du logiciel de l’intelligence artificielle. Un cadre bien défini aura pour objectif de permettre une bonne utilisation des IA par les artistes.
L’utilisation des intelligences artificielles par les artistes n’est toutefois pas sans soulever des questions autour de l’authenticité et de la créativité de l’œuvre. Il est ainsi difficile de juger qu’une personne qui se contente de lister des consignes à une IA pour créer une chanson comme un véritable artiste. De plus, une IA pourrait reprendre des parties de morceaux déjà existants au mépris du respect du droit d’auteur des artistes concernés. Deezer a d’ailleurs mis au point une nouvelle technologie qui lui permet de détecter les chansons qui utilisent la voix d’artistes générées par des IA.
Les législateurs auront donc le rôle de définir un nouveau cadre pour répondre aux nouveaux enjeux de l’évolution technologique pour ne pas freiner l’innovation sans renoncer à la protection du droit d’auteur. Au-delà de l’utilisation des IA, la question se pose si la voix des artistes est protégée par le droit d’auteur ou si celui-ci se limite à l’expression d’une idée. L’avenir de la musique s’avère, en tout cas, prometteur. Au rythme du développement des nouvelles technologies, le nouveau hit de l’été pourra être créé par une IA.