DROIT AU DÉRÉFÉRENCEMENT : VERS UN DROIT À L’OUBLI LIMITÉ À L’ÉCHELLE DE L’UNION EUROPÉENNE.

DROIT AU DÉRÉFÉRENCEMENT : VERS UN DROIT À L’OUBLI LIMITÉ À L’ÉCHELLE DE L’UNION EUROPÉENNE.

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Le développement massif d’internet a soulevé de nombreuses problématiques en matière de droit de l’Homme et notamment concernant le droit à la vie privée.

Dans ce contexte, l’Union Européenne a adopté la directive CE 95/26 afin de concilier la protection des droits et libertés fondamentaux et les nouveaux modes internationaux de circulation et de stockage de l’information. Elle vise notamment à garantir la protection des données personnelles sur internet.

Cette protection a été renforcée par le Règlement Général de Protection des Données (RGPD ) n°2016/679, adopté le 27 avril 2016, qui a consacré un droit au déréférencement sur les moteurs de recherche en son article 17 : « La personne concernée a le droit d’obtenir du responsable du traitement l’effacement, dans les meilleurs délais, de données à caractère personnel la concernant et le responsable du traitement a l’obligation d’effacer ces données à caractère personnel dans les meilleurs délais [… ] ».

Le droit au déréférencement permet à toute personne, qui considère qu’un contenu publié sur internet est attentatoire à sa personne, de demander aux exploitants de moteurs de recherche de ne plus associer leur nom ou prénom audit contenu. Le déréférencement n’a pas pour but de supprimer ledit contenu, ce qui pourrait être contraire à la liberté d’expression, mais seulement de mettre un terme à l’association entre le nom de la personne concernée et le contenu.

Dans ce contexte, une affaire opposant la CNIL à Google avait suscité des interrogations relatives à la portée territoriale de ce droit au déréférencement. Celui-ci imposait-il un droit à l’oubli au niveau mondial ou seulement limité à l’échelle de l’Union Européenne ?

Dans cette affaire, la CNIL avait prononcé une sanction pécuniaire à l’encontre de Google en considérant que le déréférencement qu’il avait réalisé était insuffisant car ne concernait pas l’ensemble des extensions géographiques du nom de domaine en cause. Selon la CNIL, le droit au déréférencement s’applique à toutes les extensions du nom de domaine y compris celles hors Union Européenne.

Google a contesté sa condamnation devant le Conseil d’état qui a alors saisi la Cour de Justice de l’Union européenne de plusieurs questions préjudicielles.

Monsieur Szpunar, en tant qu’avocat général de la CJUE, a été sollicité pour analyser lesdites questions et leur apporter une solution. Dans ses conclusions du 10 janvier 2019, il examine le risque que pourrait engendrer un droit au déréférencement mondial.

Un tel déréférencement pourrait, en effet, avoir pour conséquence d’empêcher des personnes dans des États tiers d’accéder à l’information et que, par réciprocité, ces Etats empêcheraient des personnes dans les États de l’Union d’accéder à l’information.

Néanmoins, il reconnait l’utilité d’un déréférencement mondial dans des situations spécifiques, mais considère que le cas d’espèce ne relève pas de cette exception.

Ainsi, l’Avocat Général recommande d’adopter un principe de droit au déréférencement limité territorialement à l’Union Européenne avec une exception pour un déréférencement mondial lorsque des circonstances particulières le justifieront.

Afin cependant d’assurer l’effectivité du droit au déréférencement tel qu’imposé par l’Union Européenne, il recommande que lorsque ce droit est accordé au demandeur, les exploitants des moteurs de recherche doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour que le déréférencement soit efficace et complet sur le territoire de l’Union Européenne. À cette fin, ils peuvent recourir à la technique du « géo-blocage », c’est-à-dire empêcher un internaute, qui se connecte sur le territoire de l’Union Européenne, d’accéder aux contenus litigieux via un nom de domaine dont l’extension est hors Union Européenne.

On ne peut qu’être en accord avec les propositions de l’Avocat Général qui permettent de réaliser un juste compromis entre les différents droits en cause (liberté d’expression – droit à la vie privée etc.) tout en assurant l’effectivité du droit au déréférencement.

Il reste maintenant à savoir quelle position adoptera la Cour de Justice de l’Union Européenne.


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