Avec l’essor de l’économie numérique, protéger son entreprise contre le dénigrement en ligne est une problématique juridique au cœur de l’actualité. La facilité et la rapidité des échanges d’informations qu’offre internet sont alors confrontées à certaines limites. Notamment en ce qui concerne les informations qui peuvent circuler entre sociétés concurrentes. En effet, il est de jurisprudence constante d’affirmer que la divulgation d’une information de nature à jeter le discrédit sur un concurrent, si elle ne repose pas sur une base factuelle suffisante à établir la véracité des critiques, constitue un dénigrement attentatoire au principe de loyauté de la concurrence.
Le dénigrement en bref
Le dénigrement est une forme de concurrence déloyale, qui se définit comme le discrédit dirigé contre un produit ou service (cf : Cass. com., 26 sept. 2018, 17-15.502). Ce dernier est distinct de la diffamation qui, elle, comporte un volet pénal. En matière de dénigrement, c’est la responsabilité délictuelle de l’auteur qui vise à être engagée. Ce qui caractérise, par ailleurs, le dénigrement, c’est la présence d’un rapport concurrentiel. Sur ce point, la jurisprudence est venue s’affiner, disposant qu’un acte de dénigrement peut être retenu même en présence d’une concurrence indirecte (cf : Cass. Civ, 9 janvier 2019, 17-18.350).
La récente position de la Cour d’Appel de Paris
Par un arrêt en date du 26 avril 2024, la Cour d’appel de Paris est venue réaffirmer le principe selon lequel, la dénonciation d’un concurrent avant toute décision de justice est de nature a formé un dénigrement. En effet, elle rappelle à juste titre que, même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure (cf : Cass. Civ, 4 mars 2020, 08-15.651).
Ainsi, les juges ont été saisis à la suite de la divulgation d’une action en contrefaçon n’ayant pas abouti à une décision de justice, ce qui a jeté le discrédit sur les produits d’un concurrent.
Et ceci, quand bien même les faits se sont trouvés par la suite avérés et que ces informations ont été divulguées dans le cadre de la notification prévue à l’article 6 de la loi sur l’économie numérique (loi pour la confiance dans l’économie numérique, nᵒ 2004-575 du 21 juin 2004) auprès du seul hébergeur, ces divulgations ayant entraîné le fermeture du site.
Conclusion
Adage oblige, seule la vérité est bonne à dire. Ainsi, la Cour d’appel réaffirme la nécessité de faire preuve de la plus grande prudence lors de la diffusion d’informations sensibles, particulièrement avant toute décision judiciaire définitive. Cette décision apporte un changement notable dans la gestion des informations par les entreprises concernant les litiges en cours. Elle souligne que toute communication doit être rigoureusement mesurée et fondée sur des faits vérifiés, sous peine de constituer un acte de dénigrement fautif.
Ref : CA Paris, 26 avril 2024, RG n° 22/12176